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PAYSAGE FRANÇAIS, UNE AVENTURE PHOTOGRAPHIQUE 1984-2017

  • Photo du rédacteur: Eric Poulhe
    Eric Poulhe
  • 24 janv. 2018
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 20 juin 2020

BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE, PARIS

24 octobre 2017 - 4 février 2018

Montrer la France, vue par de grands photographes contemporains, telle est l’ambition de cette vaste exposition consacrée aux paysages français. Depuis les années 1980, la France a profondément changé de physionomie et le regard des photographes a été convoqué, à l’initiative d’une pluralité de commanditaires, pour rendre compte de ces métamorphoses. L’exposition donne à voir les mouvements croisés entre réalité physique, politique, socio-économique et regards qu’y posent les photographes depuis plus de 30 ans. Le goût pour le pittoresque s’est effacé au profit d’une esthétique sensible à d’autres thèmes : transfiguration du banal, nature modifiée par l’homme, éloge de l’ordinaire... Les écritures photographiques parlent du patrimoine comme du quotidien et proposent des manières nouvelles d’habiter poétiquement le monde. Par son ampleur scénographique, le nombre de photographes et d’œuvres présentés - plus de 160 auteurs et quelque 1 000 tirages -, cette exposition d’envergure, déployée dans deux galeries de la Bibliothèque, se présente comme une histoire récente des paysages français, qui déroule également une histoire de la photographie en France. En 1984, des photographes, jusqu’alors inconnus ou déjà célèbres, sont dépêchés partout en France à l’initiative de la DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) pour représenter le paysage français des années 1980. C’est la première d’une série de grandes missions, financées par l’État ou portées par des groupes d’artistes comme France(s) territoire liquide, qui se succèderont jusqu’à aujourd’hui pour livrer une multitude d’images de la France. Les photographies présentées dans l’exposition questionnent la conception traditionnelle du paysage pour en explorer les frontières, de plus en plus mouvantes : celles du genre paysager basculant vers le portrait, celles d’un territoire national figé devenant plus fluide et celles du champ photographique lui-même, en constante réinvention. Le photographe est, quant à lui, tour à tour, chercheur dans un paysage-laboratoire, arpenteur recensant les mutations du paysage en territoire, auteur qui imprime son style aux lieux et enfin architecte, à même de donner une vision autre de son pays. L’exposition se développe sur cette base riche au rythme d’une promenade dans le temps, en quatre décennies. Le visiteur suit d’abord l’expérience du paysage menée dans les années 1980 par les 29 photographes de la Mission photographique de la DATAR (1984-1988), de Robert Doisneau à Raymond Depardon en passant par l’américain Lewis Baltz ou l’italien Gabriele Basilico. Des côtes de la Normandie à Marseille, ces photographes s’affranchissent de la nécessité d’un regard illustratif sur les paysages urbains et naturels, au profit d’une véritable liberté dans les choix esthétiques et documentaires. Les années 1990 permettent d’entrer dans le temps du paysage : devenu « patrimoine », celui-ci est mis à l’honneur dans les travaux réalisés pour le Conservatoire du Littoral d’Harry Gruyaert ou de John Batho. Le paysage est aussi montré comme mobile et changeant, marqué par le cycle des saisons, le passage des années ou les transformations structurelles. On suit ses évolutions avec les travaux d’Anne-Marie Filaire et Thierry Girard pour l’Observatoire photographique national du paysage ou ceux de Bernard Plossu dans le cadre du chantier du Tunnel sous la Manche. Avec ses caractéristiques et ses limites naturelles ou administratives, le territoire devient ensuite un élément fondateur des dispositifs photographiques dans les années 2000, donnant lieu au développement d’une forme d’imaginaire topographique où le paysage devient style. À travers des séries précises ou des travaux au long cours qui embrassent la totalité du territoire français, le style aisément identifiable de photographes reconnus, tels Stéphane Couturier, Thibaut Cuisset ou Jürgen Nefzger par exemple, participe en effet à la valorisation des lieux. Enfin, depuis le début des années 2010, le paysage est photographié comme un espace non plus simplement à décrire mais à habiter. L’homme s’y installe, s’immisce dans le cadre ; le récit se fait plus intime et circonstancié, affirmant la place de l’être au paysage dans une relation fusionnelle et utopique, dont se font notamment l’écho les travaux d’Elina Brotherus, de Fred Delangle et de Thibaut Brunet, membres de France(s) Territoire Liquide. Adossés à ces grandes séquences du parcours, divers focus permettent, parallèlement à ce voyage dans le temps, d’aborder des thématiques fortes liées au territoire : le travail avec Charles Fréger ou Samuel Bollendorf, l’histoire très française de la représentation des grands ensembles avec Mathieu Pernot ou Laure Vasconi, le questionnement sur les conséquences de la standardisation accrue des modes de vie, avec Jacqueline Salmon ou Gilles Coulon, dans no man’s land. Les photographes présentés dans l’exposition racontent avec humour, délicatesse, solennité parfois, les histoires de nos paysages qui s’inventent, s’inversent, s’hybrident, répandant ainsi, selon la belle formule du poète Philippe Jaccottet dans Paysages avec figures absentes, « le pollen de leur regard ».

2006, la Bibliothèque nationale de France dévoile chaque année au public les images des jeunes photographes de la Bourse du Talent. Cette manifestation, organisée par photographie.com et Picto Foundation, est devenue au fil des ans un rendez-vous incontournable consacré à la reconnaissance des talents émergents. Reportage, Portrait, Mode et Paysage, la Bourse du Talent s’organise en quatre sessions thématiques annuelles. L’exposition par la BnF des travaux des jeunes photographes distingués par le jury permet au public de découvrir de nouveaux talents mais aussi les nouvelles lignes de force de la photographie contemporaine. Comme chaque année, les photographies exposées viendront enrichir les collections du département des Estampes et de la photographie de la BnF, confirmant le rôle essentiel de l’institution en faveur de la création contemporaine. Depuis 2016, les éditions Delpire consacrent un ouvrage aux travaux des lauréats. Après les Identités à venir en 2016, ce sont les Fragilité(s) qui constituent cette année le fil rouge de la publication.




 

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Commentaire ♥♥♥♥


En 1984, la DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) missionne partout en France, des photographes connus ou pas, afin de représenter le paysage français des années 80. Ce projet prolongé jusqu’à nos jours, est un véritable témoignage de l’évolution, voire de la métamorphose des paysages ruraux ou urbains. Il est plus qu’un projet photographique. Au-delà d’un témoignage visuel physique, il apporte une approche sociologique et politique de l’environnement dans lequel on évolue.

Par le nombre important de photographes qui ont posé leur regard, plus de 160, l’exposition présente une vision très large et surtout très diverse du paysage français, avec des sensibilités tout aussi différentes. En ce sens, elle est particulièrement singulière.

L’exposition se développe comme une promenade dans le temps et se décompose en quatre décennies : 80s, 90s, 2000 et 2010.

Le visiteur débute par les années 80 avec « l’expérience du paysage » et des clichés de photographes assez renommés comme Robert Doisneau ou Gérard Depardon. Les images très belles, dont beaucoup en noir et blanc, sont assez descriptives et classiques dans leur composition. Le paysage est l’élément essentiel de la photo. Dans la plupart des clichés, il n’y a aucune présence humaine. Alain Ceccaroli présente ses paysages de la route, des Alpes aux Pyrénées, sans aucune présence de voiture ni piéton. Dans sa série « Espaces commerciaux », Albert Giordan s’attache lui à présenter un paysage urbain également déshumanisé, surchargé de panneaux publicitaires ou signalétiques divers.

Les années 90 font entrer le visiteur dans « le temps du paysage » avec notamment de nombreux clichés réalisés pour le compte du Conservatoire du Littoral avec des photographes comme Harry Guyaert ou Sabine Delcour. La préservation de l’environnement est désormais prise en compte dans les politiques publiques d’aménagement du territoire. Les photographes accompagnent cette nouvelle prise de conscience en témoignant à travers des séries s’étalant sur plusieurs années. Elles mettent l’accent sur l’évolution d’une région, d’un territoire rural ou d’un quartier urbain. Dans les années 2000, « le paysage devient style ». A travers des séries bien définies, on reconnait aisément le style de chaque photographe. Dans sa série sur les travaux du TGV Est, « avant, pendant et après », Rémy Artiges présente une vision très graphique des travaux et de leur impact sur l’environnement avec notamment des plans serrés sur le bitume associé à la verdure des bas-côtés.

A partir des années 2010, le paysage n’est plus photographié uniquement comme un simple paysage, mais comme un espace qui est habité ou transformé. L’humain est plus présent, voire il s’installe comme un portrait dans le paysage. Par exemple, Elina Brotherus qui aime à se mettre en scène, pose dans une robe rouge au milieu d’un environnement naturel de verdure et d’eau douce. L’image est éclatante tellement la couleur de sa robe contraste avec l’environnement de douceur naturelle qu’elle a choisi. D’un arrière-plan épuré et dénudé, Guillaume Amat, place un panneau avec une image significative qui raconte de manière poétique l’histoire de l’évolution du lieu initiée par les hommes bâtisseurs.

En parcourant les différentes salles, chacun y trouvera son compte. On est tour à tour surpris, interpelé, amusé ou ému par telle ou telle image qui rappellera un endroit connu, un quartier chéri. Cette balade à travers le temps et l’espace nous ramène en enfance et nous rappelle des histoires propres à chacun. Cette exposition amène nécessairement à réfléchir et prendre du recul sur les trente dernières années passées et des métamorphoses de l’environnement dans lequel on a évolué. Elle est assurément un témoignage historique.


E.P.


 
 
 

EXPO PHOTO

© 2017 Eric Poulhe Photographie

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