JACQUES HENRI LARTIGUE ▪ MÉMOIRE EN COULEURS
- Eric Poulhe
- 5 oct. 2018
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 juin 2023
POLKA GALERIE, PARIS
15 septembre 2018 – 27 octobre 2018

Après sa disparition en 1986, à l’âge de 92 ans, Jacques Henri Lartigue laisse derrière lui plus de 120.000 clichés, 7.000 pages de journal, 1.500 peintures et plus d’une centaine d’albums qui racontent les premiers pas de la France dans le monde moderne.
Ce corpus, c’est aussi l’album d’une vie, la sienne. « Son influence n’a pas été prépondérante en photographie » dit au sujet de Lartigue le célèbre conservateur new yorkais John Szarkowski, qui l’expose au MoMa en 1963. « On s’est seulement aperçu un jour que tout ce que les grands maîtres avaient découvert à force de recherche sophistiquée, un enfant l’avait su intuitivement autour de 1900 ». Un enfant qui sans jamais renoncer au noir et blanc, s’est intéressé aux mystères de la couleur à deux moments de sa vie. Pendant sa jeunesse, de 1912 à 1927, sur plaque autochrome, et à partir de 1949 en 6x6 et 24x36, procédés sur film qu’il adopte et utilise jusqu’à sa mort en 1986.
« Mémoires en couleurs » est une sélection de quelques-unes de ses obsessions colorées, longtemps restées méconnues et inédites.
Polka Galerie
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Commentaire ♥♥♥♥♥
Tout le monde connait les photographies en noir et blanc de Jacques Henri Lartigue dont la carrière a pris son envol dans les années 50 avec de multiples publications dans des magazines de renom, mais surtout une exposition majeure au MoMA de New York en 1963 organisé par le célèbre commissaire John Szarkowski.
Sans jamais renoncer au noir et blanc, le photographe s’est intéressé très tôt à la couleur, pendant sa jeunesse, de 1912 à 1927, sur plaque autochrome, et à partir de 1949 en Ektachrome, procédé sur film qu’il adopte et utilise jusqu’à sa mort en 1986.
L’exposition « mémoire en couleurs » est une sélection de plus d’une vingtaine de photographies longtemps restées ignorées ou méconnues. Les tirages ont été réalisés à partir des négatifs originaux et l’accrochage inspiré de l’exposition « la vie en couleur » organisée en 2015 à la Maison Européenne de la Photographie.
Pour Jacques Henri Lartigue, la couleur était synonyme de vie que le photographe devait saisir avec un œil de peintre. Les photos réalisées dans la nature illustrent parfaitement ces propos. Celle intitulée « Florette dans la Morgan », avec un champ de coquelicots rouge au premier plan, rappelle une toile impressionniste, tout comme celle de l’arbre fruitier en fleurs à Opio. Les deux images de neige sont composées sur le même schéma, un premier plan très graphique et un second plan avec des personnages représentant la vie. Le cliché pris à Paris en 1956 montre en premier plan la neige accumulée sur une branche qui remplit la moitié supérieure du cadrage. En second plan on voit un landau abandonné et à droite un enfant et une femme qui doit certainement être la mère ou la nounou du bébé. On identifie qu’on est dans un parc urbain. L’image prise à Mégève en 1964 est plus étonnante. Le photographe a cadré au premier plan une toile d’araignée avec l’araignée qui se trouve au centre d’un maillage qui ressort blanc du fait du contre-jour. En arrière-plan, on voit deux personnages qui descendent dans la pente en direction de la toile comme s’ils allaient être pris au piège par la prédatrice. Les deux photos sont en couleur mais il n’est pas sûr que ça apporte vraiment une valeur ajoutée au cliché. Le noir et blanc aurait peut-être renforcé encore plus l’aspect dramatique de la situation.
De manière générale, toutes les photos présentées dans cette exposition, hormis le champ de coquelicots rouge ou la course cycliste prise de haut avec des maillots de couleurs différentes, ne justifient pas nécessairement pas l’usage de la couleur. La qualité des situations choisies, la singularité des attitudes et la précision des cadrages apportent naturellement une force à l’image.
Chacun appréciera et jugera en fonction de sa propre sensibilité.
E.P.