MATT HENRY ▪ SOUTHERN GOTHIC AND OTHERS STORIES
POLKA GALERIE, PARIS
15 septembre 2018 – 27 octobre 2018
Après « The Trip » en 2016, la galerie Polka présente « Southern Gothic and Other Stories » la nouvelle exposition du gallois Matt Henry. Adepte des récits visuels qu’il scénarise comme des romans photos, le photographe imagine de nouveaux contes photographiques respectivement réalisés en Géorgie, au Texas et en Louisiane, entre 2016 et 2017 : « The Curse of Nanny Goat Island », « Lone Stars » et « Born in the Bayou ». Trois nouvelles histoires qui plongent le spectateur dans un sud des Etats-Unis étrange et halluciné.
« Southern Gothic and other stories » est une incursion fascinée, sur fond de violences sociales et de résurgence du racisme d’Etat, dans les années 60. Un coup d’œil sur plusieurs communautés, à trois facettes de la face cachée d’un pays qui a oublié la définition du rêve américain.
Les univers de Matt Henry sont des petits mondes refermés sur eux-mêmes, qui rappellent les images cinématographiques de Gregory Crewdson. Et ses photos des extraits, des « stills », d’un film qui reste à imaginer, où l’artiste rêve avec ses acteurs de situations inextricables, absurdes, sinistres, dramatiques, souvent violentes.
Il explique : « Les petites villes ont toujours été, pour moi, une sorte de théâtre idéal, un endroit où se jouent sans tricher les histoires humaines ». Parmi elles, celle des jeunes femmes de « Twin Palms », subitement prises d’une vague de folie qui menace l’équilibre de cette ville aux valeurs patriarcales.
Polka Galerie
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
La galerie Polka présente les productions du photographe Gallois Matt Henry qui raconte des histoires scénarisées comme des romans photos prenant comme décor, pour trois d’entre elles le sud des Etats-Unis. Elles font référence à l’Amérique des années 60, sur fond de violences sociales et de racisme d’état. Quelque part, l’ambiance décrite et les images présentées font écho à l’actualité du moment, avec cette Amérique dite profonde qui a voté en masse pour le président Donald Trump.
Toutes les images ont été réalisées dans des décors réels sans aménagement particulier. Les maisons avec leur décoration intérieure, les bars, les boutiques ou la nature ne semblent pas avoir évolué depuis les années 60. La plupart des protagonistes sont des personnages réels qui ont servi de figurants, comme les cow-boys, les serveuses ou un policier à la retraite. Ils se sont volontairement prêtés au jeu, et donnent encore plus de poids au réalisme des situations.
« Born in the Bayou [Né dans le Bayou] » raconte l’histoire d’un célèbre musicien qui revient dans sa ville natale en Louisiane en se laissant entrainer dans une intrigue vengeresse après le viol de son ex-petite amie.
« Lone Stars [Etoiles solitaires] » parle de la relation interraciale de deux adolescents passionnément amoureux qui subissent le courroux de leurs familles respectives dans un Texas rural qui n’a pas vraiment changé culturellement malgré les évolutions de la loi à ce sujet.
L’intrigue de « The Curse of Nanny Goat Island [La malédiction de Nanny Goat Island] » se déroule en Géorgie dans une ville connue pour héberger des membres du Ku Klux Klan. Quand une série de personnes de couleur blanche meurent mystérieusement, les locaux suspectent les habitants d’un île voisine peuplée de descendants d’esclaves noirs pratiquant encore une forme de magie populaire Hoodoo.
En complément de ces trois histoires, la galerie Polka présente également un récit plus ancien qui se passe en Californie « Mass Hysteria Grips Twin Palms [Hystérie collective à Twin Palms] ». Des habitants de Twin Palms rapportent qu’un mouvement soudain d’hystérie générale se serait emparé des jeunes femmes de la ville. Plusieurs maris indiquent un refus de leur part d’effectuer les tâches ménagères ou de cuisiner. Elles sont devenues désobéissantes, égoïstes et étranges. Des rapports font également état d’agressions sexuelles, d’exhibitionnisme, de prise de drogue et d’abus divers.
Dans le cadre de ce projet, Matt Henry se sert de la photographie comme support d’illustration pour raconter une histoire qui dénonce des injustices sociales ou culturelles encore présentes dans la société américaine moderne. Contrairement aux romans photos qui ont fait le succès des magazines des années 70, les photos présentées ici en grand format, sont d’une très grande qualité. Dommage que la totalité des photos ne soient pas exposées. Néanmoins, la galerie Polka a eu la bonne idée de présenter en petit format pour chaque histoire, l’ensemble de la série qui permet de suivre le déroulement de l’intrigue. Toutefois, l’absence de légende rend la compréhension du récit un peu difficile.
E.P.