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LES NADAR, UNE LÉGENDE PHOTOGRAPHIQUE

  • Photo du rédacteur: Eric Poulhe
    Eric Poulhe
  • 7 déc. 2018
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 1 mai 2023

BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE, PARIS

16 octobre 2018 – 3 février 2019

La Bibliothèque nationale de France propose la première grande exposition consacrée aux trois Nadar. Félix Nadar (1820-1910), son frère Adrien Tournachon (1825-1903) et son fils Paul Nadar (1856-1939) furent tout à la fois photographes, peintres, dessinateurs et inventeurs... Quelques 300 pièces témoignent des spécificités de chacun des trois photographes, de leurs collaborations comme de leurs rivalités, dans un parcours qui embrasse l’histoire de l’atelier des Nadar pendant près d’un siècle. À travers des épreuves photographiques originales, des dessins, des estampes, des peintures et des objets, l’exposition invite à découvrir l’héritage de l’un des ateliers les plus importants et les plus durables des débuts de la photographie. L’exposition, organisée de manière thématique, se décline en trois parties représentatives des caractéristiques de l’entreprise des Nadar : « Les Nadar par les Nadar », « Art et industrie du portrait » et « Art et science ». Cette dernière partie de l’exposition établit les liens des Nadar avec l’actualité de leur temps et la manière dont leur œuvre photographique s’est très souvent associée à des découvertes scientifiques et techniques.


Sylvie Aubenas et Anne Lacoste, commissaires

 

Sélection

 

Commentaire ♥♥♥♥♥

La Bibliothèque nationale de France consacre l’épopée des Nadar, Félix Nadar (1820-1910), son frère Adrien Tournachon (1825-1903) et son fils Paul Nadar (1856-1939). Les Nadar ont été précurseurs dans le développement de la photographie en France de la moitiè du 19e siècle jusqu’à la moitié du 20e siècle. On peut considérer que des studios de renom, comme le studio Harcourt créé en 1934, en sont les dignes héritiers.

La signature Nadar a été un enjeu crucial pour la famille Tournachon. Phénomène de transformation souvent à la mode à l’époque, le pseudonyme a été forgé par Félix au début des années 1840. Tournachon devient tour à tour Tournadar, Nadarchon, Nadard et enfin Nadar. Il sera l’objet d’un procès sur son droit d’usage, entre Félix et son frère Adrien, qui par décision de justice, ne pourra jamais l’utiliser. Le même conflit se renouvellera ensuite entre Paul et Félix, qui finalement en 1903, cèdera le nom à son fils devenu propriétaire de l’atelier parisien.

L’exposition, organisée de manière thématique, se décline en trois parties représentatives des caractéristiques de l’entreprise des Nadar : « Les Nadar par les Nadar », « Les portraits entre art et industrie » et « Innovations et usages documentaires ».

Les pièces présentées dans la première section, dessins, photographies, affiches, ont été réalisées par les Nadar se représentant en autoportrait ou se prenant en photo mutuellement. L’organisation spatiale sphérique de la première salle, permet de mettre au même niveau les différents protagonistes de la famille, les deux frères, le fils, mais aussi Ernestine Lefèvre, la femme de Félix, qui joua un rôle, discret mais fondamental, dans le développement de l’entreprise après la faillite du studio du boulevard des Capucines. Les pièces présentées permettent de dévoiler le caractère et la personnalité de chacun qui imprimera son style et son regard dans les portraits qu’il va réaliser.

Félix est la figure historique centrale de la famille. Eclectique, il est tour à tour journaliste, romancier, caricaturiste, photographe, aéronaute, entrepreneur… Formé à la peinture, Adrien Tournachon est plutôt un artiste bohème qui porte un regard de peintre sur l’art photographique qu’il abandonnera pour revenir à la peinture, et mener une vie insouciante, chaotique et misérable. Paul, le fils de Félix, a toujours baigné dans l’univers de l’atelier photographique de la famille. Tout jeune, il sera le modèle de prédilection. Plus tard, il se consacre uniquement à la photographie reprenant l’atelier pendant plus de cinquante ans. C’est à la fois un photographe moderne, innovant, entrepreneur et bon gestionnaire.

La deuxième section de l’exposition présente l’essentiel des productions de l’atelier que sont les portraits de célébrités politiques ou d’artistes de l’époque. Il est alors difficle de concilier art et commerce, tirages de qualité et tirages commerciaux. C’est cet équilibre que l’entreprise a constamment recherché en tentant de se renouveler et d’évoluer avec son temps, en se positionnant comme un témoin de la société française qui évolue. Les portraits réalisés sont d’une extrême diversité. Ils vont de l’anarchiste Bakounine au futur roi d’Angleterre Edouard VIII, de Gérard de Nerval à Mallarmé, de la classique Sarah Bernardt à l’exubérante Joséphine Baker.

En les regardant avec attention, on est surpris de leur très grande modernité et souvent de leur précocité sur des usages futurs de la photographie. Les clichés décrivent la vie quotidienne comme la photographie de Félix Nadar et son âne Biribi, ou l’autoportrait de Paul Nadar au bureau de l’atelier avec un chaton. Certaines images anticipent le photojournalisme comme celle de Victor Hugo sur son lit de mort. Par l’évolution de la technique, les reportages lointains sont désormais illustrés comme la photographie de Savorgnan de Brazza, principal acteur de la colonisation au Congo. On peut par moment ressentir une impression de glamour comme le portrait de Maria, une inconnue noire avec les seins dénudés, ou celui de cette cliente lascive posant dans les salons de la rue d’Anjou. Certains travaux amorcent, consciemment ou pas, la photo publicitaire comme cette chienne fumant la pipe sur un fauteuil qui a fait le « buzz », ou la comédienne Sarah Bernardt dans son costume de Pierrot. Une première ébauche des technologies de l’impression 3D est abordée dans certaines études comme cet autoportrait tournant de douze poses de Félix Nadar.

La troisième section « Innovations et usages documentaires », montre que les Nadar ont contribué au développement des usages de la photographie. Ils sont à l’origine de nombreux brevets destinés à améliorer la pratique comme l’instantané, les agrandissements ou l’éclairage articiciel.

Au niveau des usages, le champ d’application est très large. Dans le domaine de la médecine, les photos tirées de l’album Duchenne décrivent les mécanismes de la physionomie humaine. En anthropologie, la Police judiciaire documente ses fichiers de photographies de prévenus prises sous deux angles de vue. Avec l’aéronautique naissante, Félix Nadar prend ses premiers clichés aériens avec des applications topographiques ou de stratégie militaire. La photographie sert également à renforcer les politiques du pouvoir en réalisant un reportage sur la rénovation des égouts de Paris dans le cadre de l’assainissement de Paris décidé par le pouvoir impérial après de terribles épidémies, ou un autre sur les catacombes de Paris, lieu de curiosités parisiennes inédit très prisé des visiteurs. Dès que la technologie de l’instantané est disponible, Paul, mué en reporter, engage des voyages lointains et témoigne par l’image de ces populations et de leurs modes de vie dans le Caucase ou le Proche Orient.

Cette exposition est formidable, car elle concilie à la fois un volet romanesque, artistique et historique. Le romanesque est présent avec l’histoire de la famille Nadar, les relations qu’entretenaient ses membres, et ce conflit de droit d’usage du nom Nadar. Le volet artistique est omniprésent avec l’exposition de nombreux portraits d’une modernité étonnante montrant les personnalités du monde politique ou artistique dans des compositions originales. En donnant un éclairage historique et technique, on mesure aussi la place de la photographie dans une société en pleine mutation.

À ne pas rater !


E.P.


 
 
 

EXPO PHOTO

© 2017 Eric Poulhe Photographie

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