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Photo du rédacteurEric Poulhe

WILLIAM DANIELS ▪ WILTING POINT

PAVILLON CARRÉ DE BAUDOUIN, PARIS

25 janvier 2019 – 11 avril 2019

En botanique, le wilting point, littéralement « point de flétrissement », décrit le seuil en deçà duquel l’humidité du sol s’avère insuffisante pour permettre à la plante d’y prélever l’eau dont elle a besoin. Celle-ci flétrit alors, puis finit par mourir si cette condition extrême perdure. Dans notre monde, il existe bien d’autres points de bascule, des entre-deux ténus qui maintiennent un lien fragile entre vie et mort.

Depuis plusieurs années, William Daniels traque ces équilibres précaires dans différentes régions de la planète qui n’ont a priori rien en commun, mais connaissent toutes des identités confuses et une instabilité perpétuelle. Par ricochet, ces crises récurrentes apparemment insolubles peuvent se répercuter bien au-delà de leur région d’origine.

Pourquoi certains pays nous donnent-ils ainsi le sentiment de traîner un lourd fardeau ? Afrique, ex-URSS, Moyen-Orient, Haïti… Le reporter plonge dans le chaos et, saisissant le fracas, tente de le comprendre en captant des images suspendues entre une réalité crue et un ailleurs insaisissable.

Pour trouver la meilleure manière de raconter, il faut se salir, s’imprégner du contexte et également, parfois, prendre du recul et ouvrir les livres d’histoire : les empires coloniaux qui ont régné pendant des siècles n’ont-ils pas façonné notre réalité ? Il faut douter, penser à renoncer, savoir partir. Peu à peu accepter de ne rien savoir, puis revenir, encore et encore. Ces déséquilibres chroniques, où tout peut basculer d’un instant à l’autre, sont appréhendés tels de cruels exemples de wilting points, ceux d’une vie toujours sur le fil. Elles révèlent un profond malaise et un déracinement permanent, une absolue nécessité d’eau et de lumière. Le photographe explore le tumulte de l’existence en apesanteur, comme si la tension palpable était intimement liée à une beauté furtive : un regard qui cherche, la fugacité d’une posture, une main qui s’accroche au vide. Dans ces représentations figées de l’action, tout n’est qu’attente. Dans l’espoir d’un dénouement ou dans la crainte d’un avenir plus incertain encore.

Cheminant de la lumière vers l’ombre, l’exposition Wilting Point confronte des destins brisés à la résilience de la nature et de la dignité humaine. Les représentations de mondes en rupture sont associées à des portraits atemporels, des natures mortes et des paysages, zones universelles de repli et d’apaisement. Si ces images-ressources reflètent la constance, elles renvoient pourtant à la fragilité et au caractère éphémère de notre condition.

Marie Lesbats, co-commissaire de l’exposition

 

Sélection

 

Commentaire ♥♥♥♥

Après Willy Ronis, l’emblématique photographe de rue qui a parcouru inlassablement le quartier de Belleville, le Pavillon Carré de Baudouin accueille le photographe documentaire et journaliste français William Daniels. A quarante et un ans, le reporter travaille notamment pour National Geographic, Time Magazine et Le Monde, sur des reportages notamment en Afrique, en Russie, au Moyen-Orient ou en Asie. Son travail a été récompensé par de nombreux prix internationaux dont deux Wolrd Press ou le Visa d’or humanitaire du CICR du festival de Perpignan.

La scénographie de l’exposition, sous le commissariat de Marie Lesbats, a été construite comme un cheminement qui commence par des tons très clairs et se termine pas des tons très denses. Au fur et à mesure que l’on parcoure l’exposition, on monte en intensité et en dramaturgie.

L’ambiance de la première salle qui présente sept grands formats, inhabituels pour du photoreportage, est très douce, très claire, comme fondue. Ces photos qui appellent plus au domaine sensoriel, avait moins leur place dans la presse traditionnelle. Le photographe n’en est que plus heureux de pouvoir les présenter dans ce contexte. On y retrouve des paysages enneigés ou dans la brume avec le blanc comme tonalité dominante, un peu comme des toiles de peinture. Dans cette photo réalisée dans la taïga sibérienne en Russie, on est incapable d’identifier la ligne de partage entre le reflet des bouleaux dans l’eau et leur réalité. Dans ce cliché réalisé en Centrafrique d’un homme habillé pour la messe marchant dans la rivière, tout s’estompe autour de lui renforçant sa présence insolite au milieu de l’eau.

On poursuit la visite dans une deuxième salle qui présente des images plus petites. La nature est absente et a été remplacée par des scènes urbaines dans des environnements industriels pollués, avec des tons plus noirs et plus sombres qui présagent de ce que l’on va découvrir dans les salles suivantes.

La grande salle du haut est très sombre, avec uniquement comme lumière les spots éclairant des photos. Elle a été aménagée comme une grande fresque murale d’images imprimées sur des toiles en grand format d’un mètre cinquante de haut. William Daniels a décidé de mélanger les images réalisées sur quatre sites de reportage de crise où il est allé : la Centrafrique, le Kirghizistan, le Bengladesh à la frontière avec la Birmanie où se trouvent les Rohingyas, et le Cachemire indien. On se retrouve plongé dans la pénombre comme immergé au milieu de ce chaos, nom qu’a donné le photographe à cette salle. Les images, très colorées et contrastées, sont très fortes. Les portraits sont souvent réalisés avec des lumières en contre-jour qui renforcent à la fois la détresse et la dignité des sujets. On peut juste regretter que certaines d’elles ont été composées à l’outrance, un peu comme une fausse scène de cinéma, et ne reflètent pas suffisamment la réalité.

Assez rare pour être souligné, un livret A3 est disponible à l’entrée de l’exposition, avec l’ensemble des photographies exposées et une légende détaillant le contexte de chaque prise de vue.

E.P.

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