FRÉDÉRIC STUCIN ▪ ONLY BLEEDING
LA GALERIE VU’, PARIS
10 janvier 2019 – 9 mars 2019
Portraitiste de renom, Frédéric Stucin a également le goût des métropoles et des projets au long cours. Alors qu’il s’apprête à publier une première monographie éponyme aux Editions le Bec en l’air, la Galerie VU’ lui consacre une exposition avec Only Bleeding, série réalisée entre 2011 et 2017 à Las Vegas.
C’est Las Vegas et l’on pourrait s’attendre aux néons, à l’argent qui coule à flots, à l’inévitable dose de kitch et de paillettes. A en prendre plein les yeux avec les images d’Epinal de l’apothéose de la société de consommation et de l’American Way of Life. C’est aux Etats-Unis et l’on pourrait s’attendre à une série qui fasse écho à ses grands photographes ou dise le toc du rêve américain. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit, nulle part ne retentit de Viva Las Vegas ! A bien y regarder Only Bleeding nous met face aux désillusions de la grande cité. Ce pourrait être finalement Vegas où ailleurs.
Là une femme est naufragée sous une improbable lustre, engloutie entre la moquette chamarrée et l’écueil des machines à sous. Ici, un couple semble vouloir échapper à quelque terrifiante catastrophe. Ailleurs, une rangée de palmiers malingres s’alignent, enclavés dans le bitume. Dans les images de Frédéric Stucin, les rues sans charme aux lignes droites, aux enseignes mornes et à la blancheur aseptisées sont vides, écrasées de soleil. Parfois, un passant hagard et spectral traverse l’image. Le photographe s’attarde aussi sur des visages. Dans ses plans serrés, des hommes et des femmes en déshérence, le regard éperdu, presque sidéré, semblent désespérément seuls, comme cherchant à échapper à une ville prête à les dévorer.
A travers ce long travelling en noir et blanc, nous suivons les pas du photographe dans la ville désenchantée qui se consume.
François Cheval
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
Frédéric Stucin est un photographe portraitiste de trente-huit ans qui a réalisé pour la presse de nombreux clichés de personnalités, artistes ou personnages politiques. En parallèle de cette activité il s’adonne à la photographie de rue dans des grandes métropoles comme Las Vegas « Sin City », la ville du pêché qui servira de support à sa série « Only Bleeding », dans laquelle il est allé chaque année entre 2011 et 2016. Le titre est issu de la chanson de Bob Dylan « it’s alright Ma (I’m only bleeding) » [Tout va bien Maman, je suis en train de saigner].
Le photographe ne s’est pas intéressé au plaisir et aux paillettes mais au côté sombre de la ville. Les tirages en noir et blanc sont d’ailleurs très denses avec un contraste très prononcé renforçant cette dureté. On y voit des palmiers malingres, des bâtiments abandonnés, des rues désertes et sans charme, qui caractérisent les désillusions de cette ville où l’argent coule à flot.
Frédéric Stucin s’intéresse aussi à des personnages avec des « gueules », marqués par le poids des ans ou la dureté de la vie. Il réalise des gros plans des visages avec le regard perdu cherchant peut-être à s’échapper d’une ville qui n’a pas voulu d’eux. Le beau est laissé de côté. On est loin des clichés des casinos et des palaces, du rêve américain.
Frédéric Stucin capture l’âme et le rythme de la ville et de ceux qui y vivent avec un sentiment de solitude et d’errance. Il ne recherche pas à embellir ce qu’il voit. Les photos sont prises à la volée et témoignent de la réalité dans toute sa dureté.
E.P.
#GalerieVu