ALBERTO GIACOMETTI / PETER LINDBERGH ▪ SAISIR L’INVISIBLE
INSTITUT GIACOMETTI, PARIS
22 janvier 2019 – 24 mars 2019
L’Institut Giacometti présente les photographies inédites d’œuvres d’Alberto Giacometti prises par Peter Lindbergh, l’un des photographes les plus importants de sa génération. A ces photographies sont associés une sélection de plâtres, de bronzes et de dessins choisis par le photographe. Ce face à face, permet de montrer le dialogue très intime qui s’est établi entre le photographe et les œuvres du sculpteur tout en révélant de nombreux points communs dans leurs manières d’appréhender la représentation du réel. L’exposition rassemble près plus d’une soixantaine d’œuvres des deux artistes. Installé à Paris depuis les années 1970, Peter Lindbergh est devenu le pionnier d’un nouveau réalisme dans la photographie de mode. Son approche de la photographie a considérablement changé les standards de ce genre. Il collabore avec les plus grands magazines internationaux (Vogue, Harper’s Bazaar, Vanity Fair, The New Yorker, Interview, etc.). Originales, ses photographies privilégient la dimension personnelle de ses modèles, contribuant ainsi durant les années 1990 au phénomène de popularité des grands tops model. Ses portraits des mannequins Naomi Campbell, Linda Evangelista, Kirsten Owen ou ceux de grandes actrices comme Julian Moore, Uma Thurman, Jeanne Moreau ou Nicole Kidman, dont il rend la fragilité apparente, dégagent un sentiment de mélancolie. Photographiées sans artifices, en noir et blanc, dans des attitudes naturelles, les femmes vues par Lindbergh regagnent une humanité que les codes de la photographie de mode avaient occultée. Fasciné depuis toujours par l’œuvre et par la personnalité d’Alberto Giacometti, Peter Lindbergh a été invité à prendre des photographies dans les réserves de la Fondation Giacometti à Paris en 2017. Privilégiant les très gros plans et les tirages en grand format, Lindbergh révèle par la photographie des aspects des sculptures de Giacometti impossibles à percevoir à l’œil nu. Associant dans ses compositions des œuvres de différentes périodes, il institue entre elles un dialogue au travers du temps et des styles. Les allers-retours créés dans l’exposition entre les photographies de l’un et les sculptures et dessins de l’autre, permettent de redécouvrir le travail de Giacometti sous un autre angle. Sous l’objectif du photographe, les sculptures semblent devenir vivantes, révélant leurs détails et leurs textures. Derrière la beauté de ces œuvres, Lindbergh parvient à capturer l’inquiétude qui caractérisait Giacometti et sa perpétuelle recherche du réel. Investis tous deux dans une création au service de la représentation de la « vérité », focalisés sur la représentation du corps humain, Giacometti et Lindbergh accordent une grande importance à la question du regard. Dans tous leurs portraits, le regard est considéré comme la porte d’accès à l’interprétation de la personnalité du modèle. À l’occasion de cette exposition, le cabinet des arts graphiques de l’Institut Giacometti réunit un ensemble important de portraits photographiques de stars par Lindbergh et des portraits inédits par Giacometti de ses modèles préférés. Ces dessins sont réalisés sur les supports les plus divers, y compris de magnifiques pages de carnets et de livres.
Serena Bucalo-Mussely, commissaire
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
L'Institut Giacometti a ouvert ses portes avant l’été 2018, au cœur du quartier de Montparnasse, dans l'intimité d'un petit hôtel particulier entre « Art Nouveau » et « Art Déco ». Dès l’entrée, en face du guichet, on tombe sur l’atelier du sculpteur qui a été reconstitué à l’identique, avec les objets réels tels qu’il les a laissés à sa mort. Il y a ses pinceaux, ses lunettes, et même ses propres mégots dans un cendrier. L’effet est saisissant, et s’il n’y avait pas cette vitre qui enferme l’espace, on s’attendrait à voir Alberto Giacometti surgir à tout moment.
Installé à Paris depuis 1970, et fasciné depuis toujours par l’œuvre et par la personnalité d’Alberto Giacometti, Peter Lindbergh a été invité à prendre des photographies dans les réserves de la Fondation Giacometti en 2017. L’exposition « saisir l’invisible » rassemble plus d’une soixantaine d’œuvres des deux artistes, qui se font écho.
Dans la première salle, la part belle est donnée aux portraits en noir et blanc de Peter Lindbergh qu’il a réalisés d’artistes féminines ou de mannequins. Que les photos datent des années 1990 ou qu’elles soient plus récentes en 2016, on reconnait la patte du photographe qui saisit au naturel, sans artifice, ni maquillage excessif la beauté sauvage de ses sujets. On est loin des photos de mode aseptisées ou retouchées en post-production. Kate Moss apparait devant l’objectif avec une cigarette à la main comme si elle venait d’être surprise à la fin d’un shooting. Jeanne Moreau ne regarde même pas le photographe concentré sur autre chose. Julianne Moore ne semble même pas maquillée avec une peau au naturel qui a subi l’épreuve du temps. Nicole Kidman est photographiée dans une attitude qui semble la surprendre même si on imagine bien qu’il s’agit d’une mise en scène. Uma Thurman est presque méconnaissable, ébouriffée comme au petit matin d’une soirée trop arrosée. Les femmes photographiées sont présentées à l’état brut, et pourtant elles n’en sont que plus sublimes. Dommage qu’il n’y ait qu’une quinzaine de photographies.
Dans les deux grandes salles de l’étage très lumineuses du fait d’un puits de lumière et d’une lumière traversante venant de la grande baie vitrée donnant sur rue, sont exposées des sculptures d’Alberto Giacometti qui renvoient à leur photographie réalisée par Peter Lindbergh. Il est amusant de comparer son propre regard sur les sculptures de Giacometti, avec celui de Peter Lindbergh qui révèle sur ces tirages en grand format noir et blanc tous les détails et la texture des sculptures. L’exercice est intéressant, mais la puissance dégagée par l’image n’égale pas l’observation physique de la sculpture.
Le lieu est charmant avec la verrière et les entresols, authentique avec sa bibliothèque en bois, mais malheureusement trop petit pour permettre une exposition d’envergure, d’autant plus que les sculptures occupent déjà pas mal l’espace. L’accueil est néanmoins très chaleureux avec des médiatrices passionnées prêtes à répondre à toutes vos questions, pour autant qu’il n’y ait pas trop de monde et qu’on puisse entrer, ce qui était mon cas.
À voir au moins par curiosité pour l’atelier reconstitué qui est la pièce maîtresse du lieu.
E.P.