GUY TILLIM ▪ MUSEUM OF THE REVOLUTION
- Eric Poulhe
- 15 mars 2019
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 juin 2023
FONDATION HENRI CARTIER-BRESSON, PARIS
26 février 2019 - 2 juin 2019

Lauréat du Prix HCB 2017, attribué grâce au soutien de la Fondation d’entreprise Hermès, le sud-africain Guy Tillim (né en 1962) s’est attaché, avec cette nouvelle série Museum of the Revolution, à observer les effets de la décolonisation dans les grandes capitales africaines.
De longues déambulations l’ont conduit ces dernières années de Johannesbourg à Durban, Maputo, Beira, Harare, Nairobi, Kampala, Addis-Abeba, Luanda, Libreville, Accra, Abidjan, Dakar et Dar es Salaam. Les avenues, nommées et renommées, agissent en témoins silencieux des flux et reflux des changements politiques, économiques et sociaux. Elles sont devenues « le musée » des deux révolutions majeures qui ont vu le jour dans ces pays lors des dernières décennies : des régimes coloniaux aux régimes postcoloniaux, avec des emprunts aux pratiques socialistes, puis du nationalisme africain aux états capitalistes.
Guy Tillim a reçu de nombreux prix, parmi lesquels le Higashikawa Overseas Photographer Award en 2003, le Daimler-Chrysler Award for South African Photography en 2004, le prix Leica Oskar Barnack 2005. Il a été le lauréat des résidences photographiques du musée du quai Branly en 2015. Le travail de Guy Tillim a fait l’objet de plusieurs expositions personnelles comme celles au Centre photographique d’Ile-de-France, à la Fondation Serralves à Porto ou au musée Peabody à Harvard. Les œuvres de l’artiste ont également été présentées lors d’expositions collectives, notamment Africa Remix, l’art contemporain d’un continent, au Centre Pompidou en 2005, à la Biennale de São Paulo en 2006 et à la documenta 12 à Kassel en 2007. L’exposition à la Fondation HCB est accompagnée d’un ouvrage publié aux éditions Mack.
Agnès Sire, commissaire de l’exposition
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
La fondation Henri Cartier-Bresson présente la série « Museum of the revolution » du photographe sud-africain Guy Tillim, sur les grandes villes africaines comme Accra, Abidjan, Dakar, Johannesbourg, Harare ou Maputo.
Au gré de ses déambulations dans la ville, il photographie la rue avec la population qui s’y déplace de manière paisible. Guy Tillim montre des décors portant à la fois les stigmates de la colonisation et les signes de la modernité. Son approche est à la fois urbanistique et sociale, en témoignant de l’évolution de l’environnement depuis la décolonisation.
Les tirages sont des grands formats en couleur présentés sous forme d’images isolées, de diptyques, triptyques, voire de « quadriptyques » formant, au final, un vaste décor panoramique. La taille du tirage, le cadrage des personnages et le choix d’une focale moyenne présente les sujets au premier plan à l’échelle humaine. En se plaçant à quelques mètres du panneau, on a vraiment l’impression de se trouver réellement dans la rue, en se téléportant en quelque sorte d’une ville à l’autre, au gré de la découverte de chaque panorama.
On ne s’en aperçoit pas immédiatement, mais chaque image est prise séparément à un temps différent, mais suffisamment rapproché pour que les conditions de lumière soient équivalentes. Même si, d’un panneau à l’autre, il y a une continuité parfaite au niveau du décor fixe, il n’en est pas de même pour les éléments en mouvement comme des véhicules qui ont été coupés en bordure d’une image mais qu’on ne retrouve pas dans l’image adjacente. Comme cette situation est peu fréquente, le rendu général de l’assemblage est assez original. Ce procédé présente également l’avantage de permettre au photographe un choix exigent des sujets et des situations retenus pour l’assemblage final.
Un des triptyques présentés montre la place do Metical à Beira, la deuxième ville du Mozambique. On y voit en arrière-plan, une grue de chantier qui laisse supposer que la ville est en expansion avec de nouvelles constructions. Le 17 mars dernier, le pays et la ville de Beira subissait les ravages du cyclone Idai qui, selon la Fédération internationale de la Croix-Rouge, aurait endommagé ou détruit 90% de la ville et fait plus de cinquante morts dans la seule ville de Beira. La photographie prise par Guy Tillim en 2017 n’en est que plus symbolique. Le photographe ne manquera certainement pas de retourner sur les lieux afin de témoigner de l’évolution du paysage urbain suite à ce drame.
E.P.