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DOISNEAU ET LA MUSIQUE

  • Photo du rédacteur: Eric Poulhe
    Eric Poulhe
  • 17 mars 2019
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 1 mai 2023

CITÉ DE LA MUSIQUE, PARIS

4 décembre 2018 – 28 avril 2019

Habillée d’une bande-son originale de Moriarty, cette exposition photo propose une joyeuse balade à travers un demi-siècle de musique dans Paris et ses banlieues, sous le regard humaniste de Robert Doisneau.

En ethnographe de son époque, Robert Doisneau eut la curiosité d’aller partout. Muni de son inséparable appareil photo, il a sillonné Paris et sa banlieue dans tous les sens. Des bals populaires aux fanfares, en passant par les cabarets, il a croisé musiciens de jazz et vedettes de son époque. Homme de spectacle, pour qui l’image devait être mise en scène, il répondait toujours avec bonheur aux commandes de journaux pour immortaliser Georges Brassens, Juliette Gréco, Charles Aznavour, Claude François… et, bien sûr, son ami le violoncelliste Maurice Baquet.

« Quand nos routes se sont croisées, j’avais trouvé mon professeur de bonheur. »

Loin de la nostalgie, l’exposition permet de découvrir une autre facette du photographe, plus inattendue : un homme résolument tourné vers demain, heureux d’immortaliser une nouvelle génération de musiciens dans les années 1980, comme les Rita Mitsouko ou Les Négresses vertes.


Clémentine Deroudille, commissaire de l’exposition

 

Sélection

 

Commentaire ♥♥♥♥♥

Tout le monde connait le photographe humaniste Robert Doisneau qui, tout au long de sa vie, a arpenté les rues pour saisir l’insolite ou des instants de vie touchant le quotidien de chacun. Avec cette exposition à la Cité de la musique, la Philharmonie propose de redécouvrir l’œuvre du photographe sous l’angle de la musique.

L’exposition se parcoure au fil de six thématiques que sont la rue, la chanson, les studios, Maurice Baquet, le jazz et pour terminer les années 80-90.

Les premiers clichés de musique se font dans la rue, dans un triangle au sud de Paris entre la porte de Gentilly, la place d’Italie et le Kremlin-Bicêtre. Robert Doisneau photographie les musiciens ou les chanteurs de rue, les fanfares, les bals ou les fêtes populaires.

Après la guerre, il devient salarié du magazine Vogue et réalise des reportages des vedettes émergentes de la chanson française de l’époque comme Juliette Gréco à Saint-Germain-des-Prés en 1947 tout juste âgée de vingt-et-un an, ou Georges Brassens au métro Glacière en 1953 assis sur les marches avec sa guitare à côté d’un vagabond. Toutes les photos réalisées à cette période sont très réalistes et authentiques. Elles montrent des artistes au naturel sans fioritures ni mises en scène. A l’occasion de ses reportages à Saint-Germain-des-Prés, il rencontre Jacques Prévert avec lequel il va devenir ami. C’est le poète qui lui fait découvrir, au cours de longues promenades, le nord de Paris et plus particulièrement le canal Saint-Marin et le bassin de la Villette où Robert Doisneau va réaliser de magnifiques portraits de son ami.

Robert Doisneau a toujours été tourné vers l’avenir. C’est pour ça qu’il aime photographier ceux qui font les choses différemment et de manière innovante, notamment dans le domaine de la musique. Au tournant des années 1960, il réalise alors des portraits en studios des créateurs avant-gardistes du moment comme Pierre Boulez, Pierre Schaeffer ou Henri Dutilleux. Les images révèlent bien toute la force de caractère de chacun de ces personnages.

Sa rencontre en 1944 avec Maurice Baquet, à la fois skieur, acteur et violoncelliste, est déterminante pour Robert Doisneau. Elle lui ouvre un nouvel espace de jeux, de liberté et de création. Ils imaginent très vite un livre ensemble dans lequel le musicien utilise son instrument dans de multiples situations comiques. Le résultat est le fruit de toute une mise en scène qu’on devine joyeuse et facétieuse. Robert Doisneau va même au-delà de prendre des photographies en déployant ses talents de magicien, par des trucages, des montages, des collages ou des déformations des images, sans bénéficier des mêmes facilités et des outils de retouches d’images de maintenant. De nombreuses images réalisées à Paris, à Chamonix ou à New York sont devenues célèbre. Même si on les connait, on les revoit toujours avec autant de plaisir.

Dans les années 1980, Robert Doisneau est reconnu et célébré comme un des plus grands photographes du 20e siècle. Lui n’en a cure et continue ses balades dans Paris pour le plaisir. Il est excité à l’idée de photographier une nouvelle génération de jeunes artistes pour leur pochette de disque ou pour des journaux comme Actuel. Il réalise notamment les pochettes des disques de Jacques Higelin « Illicite » ou des Rita Mitsouko « Mondolino City ». On ressent qu’il s’amuse à photographier ces jeunes artistes dans la rue qui se prêtent volontiers au jeu en se mettant en scène dans la bonne humeur avec beaucoup de complicité avec le photographe.

Il entretenait des relations d’humilité et de simplicité avec des artistes déjà célèbres. Les rôles s’inversent. Les artistes comme Renaud en 1985 sont les plus heureux du monde d’avoir été choisis par le photographe. « Ma maison de disque m’a suggéré une séance de photo avec Robert Doisneau. J’étais heureux, flatté et étonné car je le croyais mort depuis longtemps ! Nous sommes allés faire des photos dans les entrepôts de Bercy qui existaient encore à l’époque. Il était très tôt et il faisait très froid. […] Lui se gelait les doigts et ce n’était pas facile pour la mise au point. Pourtant on, a fait des photos splendides ! »

Au travers du thème de la musique, cette exposition est une vraie piqure de rappel pour redécouvrir des images de Robert Doisneau sous un angle de vue différent. Néanmoins, au regard de ce que la commissaire de l’exposition Clémentine Deroudille a déjà produit à la Philharmonie comme l’exposition « Barbara », on peut regretter une scénographie un peu minimaliste. On aurait aimé avoir des ambiances reconstituées comme un studio ou une scène, et plus de documents complétant les photographies comme des pochettes originales de disques ou des exemplaires de magazines. L’exposition n’en est pas moins remarquable, et l’on ne boudera pas son plaisir à redécouvrir les photos, bercé par la bande-son musicale originale réalisée par le groupe franco-américain Moriarty.

E.P.


 
 
 

EXPO PHOTO

© 2017 Eric Poulhe Photographie

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