JANINE NIÉPCE ▪ UNE PHOTOGRAPHIE FRANÇAISE
POLKA GALERIE, PARIS
23 mars 2019 – 19 mai 2019
Lointaine descendante de l’inventeur Nicéphore, Janine Niépce débute en 1945, à l’aube de la Libération dans les pas des grands humanistes français.
Née en 1921, huit ans après Robert Doisneau, 11 ans après Willy Ronis, 13 ans après Henri Cartier-Bresson elle est leur petite sœur de cœur. Sa grammaire visuelle, sa méthode, son optimisme, sa culture, sa sincérité et sa tendresse, la placent au Panthéon d’un mouvement qui après la Seconde Guerre mondiale et au fil des Trente Glorieuses, ressuscite, par son réalisme si poétique, l’être humain dans sa vie ordinaire et sa dignité.
Janine Niépce fait bel et bien partie de cette génération de photographes polygraphes - l’expression est de Ronis - qui avant le triomphe de la télévision façonnent l’iconographie d’une France qui se reconstruit. En pérégrinant et en épuisant, au rythme des projets et des commandes, dans une sorte de geste à la Atget, les sujets et les images d’une vie. Mais réduire ce grand œuvre au pittoresque nostalgique et à l’imagerie caractéristique des rues montmartroises pavées, de baguettes de pain, de cafés à Saint-Germain des Prés et de petits ponts sous la brume relève d’une erreur grave. L’humanisme marque aussi le début de l’engagement idéologique du photographe. A l’heure des crises économiques et des luttes sociales, des mouvements de décolonisation, des conflits de blocs.
Janine Niépce a consacré sa vie à raconter la modernisation des campagnes et les changements de la vie paysanne, les grandes transformations urbaines, la disparition des petits métiers dans un monde devenu technologique, le progrès social, la vie nouvelle dans les monuments du passé, l’évolution de la vie des femmes et leurs revendications pour l’égalité.
Polka Galerie
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
Après une rénovation de sa galerie dans la cour de Venise du Marais, la galerie Polka présente l’exposition « une photographie française » de la photographe Janine Niépce.
Née une dizaine d’années après les photographes de rue célèbres Robert Doisneau, Willy Ronis ou Henri Cartier-Bresson, elle est une des pionnières du métier de photo-reporter. Membre active de la Libération, elle photographie la France de l’après-guerre à Paris comme à la campagne. Plus tard, à la fin des années 60, elle s’intéressera aux divers mouvements populaires sociaux en photographiant notamment les événements de mai 68 en immersion totale avec les manifestants.
Ses images sont caractéristiques du mouvement humaniste de ses prédécesseurs. Willy Ronis arpentait le quartier de Belleville, Robert Doisneau la banlieue sud de Paris. Janine Niépce déambulera beaucoup dans les rues pavées montmartroises d’après-guerre afin de saisir la vie quotidienne des habitants dans un environnement urbain en cours de reconstruction.
La mutation du monde qui l’entoure la passionne. Elle consacrera toutes ces années à raconter la modernisation des campagnes et les changements de la vie paysanne. La plupart de ses photographies rurales sont réalisées en Charente, l’été à l’occasion des moissons, ou en Bourgogne, à Rully notamment, en plein territoire viticole.
Elle photographie aussi les grandes transformations urbaines avec la disparition des petits métiers dans un monde devenu technologique. On peut voir les clichés d’un maréchal ferrant, d’un livreur à cheval parisien de pains de glace ou d’une lavandière sur les quais de la Saône. En ce sens, toutes les photographies de Janine Niépce ont une valeur historique documentaire qui témoignent d’un temps révolu.
L’humain est présent dans tous les clichés qu’elle réalise, de l’enfance jusqu’à la vieillesse. Une image témoigne de l’impact du modernisme sur toutes les générations, celle prise en Bourgogne de toute une famille paysanne regroupée devant le poste de télévision. On y voit les parents, les quatre enfants et la grand-mère, tous captivés, comme aimantés. Ils ne prennent aucune attention à la photographe qui se trouve pourtant dans leur champ de vision.
Avec l’avènement du smartphone ou de la tablette, on ne fait que reproduire le même phénomène. Finalement, une histoire toujours recommencée !
E.P.