FESTIVAL DU REGARD ▪ HABITER
- Eric Poulhe
- 20 juin 2019
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 juin 2023
CERGY-PONTOISE
24 mai 2019 – 14 juillet 2019

Dès son invention, la photographie a toujours eu deux fonctions essentielles : enregistrer et immortaliser la vie de famille et faire découvrir d’autres modes de vie lointains. Avec le thème « Habiter », nous avons voulu réunir ces deux voies, mettre en relation le quotidien et l’ailleurs, le banal et l’étonnant, l’anodin et l’extraordinaire. Et quel médium, mieux que la photographie, pouvait nous proposer cette cohabitation à la fois documentaire et artistique ?
Aujourd’hui, nous habitons un « village global » mais est-ce pour autant que nous connaissons bien les modes de vie de nos voisins, qu’ils vivent à quelques kilomètres ou aux antipodes ? Bien sûr les urbanistes, les sociologues, les architectes… se penchent régulièrement sur le sujet et le prix de l’immobilier reste un des marronniers de la presse et de la télévision. Mais la photographie va offrir une autre vision de cette question, en l’interrogeant sous de nombreux aspects, à la fois esthétiques et politiques. Que l’on soit artiste ou photojournaliste, conceptuel ou factuel, dès que l’on photographie un habitat, on crée une nouvelle forme de connaissance de ce lieu, de son usage, de sa géométrie, de sa personnalité. Les auteurs que nous avons choisi pour cette quatrième édition du Festival du Regard, sont les habitants engagés et concernés de ce grand spectacle du réel qui est à la fois vrai et imaginaire.
Sylvie Hugues et Mathilde Terraube, directrices artistiques du Festival du Regard
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
Pour sa 4e édition, le festival du regard se déploie au centre-ville de Cergy-Pontoise, autour de la Préfecture et sa pyramide inversée. Le cœur du festival investit la Tour EDF, cet immeuble emblématique de grande hauteur qui va être prochainement réhabilité. Neuf expositions sont présentées au rez-de-chaussée sur 1500 m², huit autres expositions se retrouvant à l’extérieur dans le parc François Mitterrand et sur le parvis de la Préfecture.
La thématique de 2019 « habiter » s’inscrit bien dans l’architecture urbaine contemporaine de Cergy-Pontoise, cette « ville nouvelle » dont le projet a duré trente ans, avec sa création officielle en 1972 et son achèvement en 2002. A travers l’image, les directrices artistiques du festival ont souhaité réunir deux fonctions essentielles de la photographie : « enregistrer et immortaliser la vie de famille, et faire découvrir d’autres modes de vie lointains ». Les séries proposées abordent le sujet de l’habitat autant par l’aspect architectural et graphique, que par une approche humaine et sociale.
Les travaux de quatre photographes sont particulièrement remarquables : Cyrus Cornus, Gideon Mendel, Hortense Soichet et Thomas Pesquet.
Architecte de formation, Cyrus Cornus oriente d’abord son travail sur l’aspect graphique et plastique de la ville pour s’intéresser par la suite aux comportements humains. Avec la série « Chongqing, sur les quatre rives du temps qui passe », il montre tous les paradoxes entre le modernisme et l’expansion d’une ville grande comme l’Autriche, et les habitants aux modes de vie ancestraux qui tentent d’exister au milieu de ce bouleversement économique et social. Avec « Voyage en Périphérie », il montre les cités de banlieue, souvent de nuit, un territoire « anti-voyages ». Les images très graphiques témoignent d’un urbanisme dont les centres historiques ont été gommés. Les lieux de vie sont les stades ou les terrains de sport qui se sont faits une place tant bien que mal au milieu des immeubles.
Avec « Portraits submergés », Gideon Mendel a réalisé un reportage sur douze ans sur les inondations dans treize pays, du Nigéria à Haïti, de l’Europe aux Etats-Unis. Cette série est constituée de portraits intimes des victimes qui posent au milieu de leur habitat qui a été détruit par les eaux. La mise en scène de cette série avec des tirages à moitié immergés dans le bassin au bas du bâtiment de la Préfecture est particulièrement saisissant.
Avec une approche sociale et sociologique, Hortense Soichet présente la série « habiter la Goutte d’Or » qui s’inscrit complètement dans la thématique du festival. Depuis plusieurs années, le quartier a vécu des transformations importantes. La photographe a voulu témoigner de cette situation en photographiant l’intérieur des appartements des habitants du quartier aux origines et aux niveaux de vie différents. Aucune présence humaine ne figure sur les clichés. Pourtant les images sont particulièrement habitées et on peut imaginer le profil de leurs habitants. Chaque tirage présenté est enrichi d’une légende renseignant sur le logement ainsi que d’une parole de l’habitant récoltée lors des échanges préliminaires à la prise de vue.
Enfin, sur la place des Arts jouxtant le parvis de la Préfecture, ont été exposées les photographies prises par Thomas Pesquet du 17 novembre 2016 au 2 juin 2017, lors de son séjour dans l’espace à bord de la Station Spatiale Internationale. Les images sont très belles et d’une très variété. Elles montrent une autre façon d’habiter son « espace ».
E.P.