ÉDOUARD ELIAS ▪ MEMORIAM
POLKA GALERIE, PARIS
13 septembre 2019 – 26 octobre 2019
L’exposition "Memoriam" raconte la guerre telle qu’Edouard Elias l’a vécue, loin, très loin des poncifs de la photographie du genre et des images attendues. Les épreuves sont présentées au mur sans unité de temps, de lieu ou d’action. Restent des sillons sur la peau, des mouvements de corps épuisés qui se confondent avec les pierres, des paysages faits de couvertures de survie, des carcasses de métal, des escaliers qui partent on ne sait où. Des scènes assourdissantes. Et des regards glacés.
L’ombre du Marine de Don McCullin, pétrifié pendant la bataille de Hué, en 1968 plane sur cette exposition. « Cet instant où le regard disparaît, derrière la terreur ou l’épuisement, dans les tréfonds de l’âme. C’est çà qui m’intéresse. J’accepte maintenant sans honte, sans peur du jugement, de faire une photographie qui représente ce que je ressens, tout en m’efforçant d’être le plus juste possible. Ce qui implique d’accepter de ne pas parler de tout, de ne pas tout montrer. » A la recherche d’une sorte de langage qu’il veut croire universel, intemporel. « Pour ça, je dois me faire accepter jusqu’à disparaître, être le plus transparent possible. Devenir rien auprès de ceux qui agissent. »
Les épreuves de l’exposition « Memoriam » ont été réalisées par Fanny boucher, maître d’art spécialiste de l’héliogravure au grain. Un procédé délicat et ancestral de transfert d’image sur plaque de cuivre à l’acide, au travers de gélatine photosensible. L’encre, la matière, le papier, l’image-objet. Pour ne pas oublier que la photographie est un être vivant. Et un artisanat.
Les images d’Edouard Elias sont les lignes d’un roman d’initiation monstrueux, in ni, métaphorique, où l’espace et le temps n’ont plus d’importance. C’est un travail d’un romantisme absolu, un conte mystique et métaphysique en même temps qu’un manifeste contre le conformisme de la photographie. Dans un monde de mort,voici le photographe le plus vivant de sa génération.
Bastien Manac’h
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
Polka Galerie présente une vingtaine de photographies d’un des reporters de guerre français les plus respectés et les plus brillants de sa génération. À vingt-huit ans, Édouard Elias a déjà photographié de nombreux conflits comme ceux en Ukraine, en Syrie ou en Irak.
L’exposition « Memoriam » raconte la guerre telle que le photoreporter l’a vécue, avec un regard très personnel. Les images sensationnelles ou traditionnelles de guerre ne l’intéressent pas. Il préfère saisir les moments où les protagonistes sont dans des situations de fragilité extrême et qu’ils délivrent des sentiments sentiments avec une émotion venant du plus profond de leur être.
Les images présentées ici concernent principalement la guerre en Syrie en 2012-2013, les réfugiés secourus par l'Aquarius au large des côtes Libyennes en 2016, et d’autres réfugiés, les Rohingya dans le camp de de Cox's Bazar au Bangladesh en 2017.
Les tirages de l’exposition en noir et blanc ont été réalisés par Fanny boucher, maître d’art, avec un procédé d’héliogravure au grain. Il est probable qu’Édouard Elias a rencontré cet artisan d’art lorsqu’il a réalisé le reportage sur les maîtres d’art pour le compte du ministère de la Culture et de l’Institut National des Métiers d’Art, dont certaines photographies ont été exposées à la gare de Lyon en mars dernier. Le rendu des tirages donne des noirs très intenses et des images parfois sombres, renforçant la dureté des sentiments que le photographe a voulu traduire sur la pellicule. Avec le choix délibéré d’un tirage peu commun, Édouard Elias nous rappelle ici, que la photographie, avec la prise de vue du photographe, le développement sur une matière alliant l’encre et le papier, la chimie, pour ne pas dire l'alchimie, et le talent du tireur, est un art artisanal à part entière.
E.P.