URSULA SCHULZ-DORNBURG ▪ ZONE GRISE / THE LAND IN BETWEEN
MAISON EUROPÉENNE DE LA PHOTOGRAPHIE, PARIS
4 décembre 2019 – 16 février 2020
La MEP présente la première rétrospective en France de l’artiste allemande Ursula Schulz-Dornburg.
Depuis plus de cinquante ans, Ursula Schulz-Dornburg explore, à travers son travail, la relation entre l’environnement bâti et le paysage. Souvent attirée par les théâtres de conflits sociaux, politiques et culturels, ou des régions qui revêtent une importance historique, elle met en lumière la façon dont le pouvoir, les conflits, le temps et le déclin perturbent le paysage et le transforment, le marquant pour les décennies à venir.
Cette exposition capitale explore la pratique photographique d’Ursula Schulz-Dornburg. Une pratique traversée par trois thèmes majeurs : les démarcations et les frontières, l’architecture et l’environnement bâti ainsi que l’impact humain sur l’environnement et les paysages.
Le travail qu’elle a effectué en Irak, en Mésopotamie, en Syrie et le long de la frontière séparant la Géorgie de l’Azerbaïdjan documente l’histoire et l’incidence des démarcations et frontières, qu’elles soient naturelles ou artificielles, soulignant combien les jeux de pouvoirs, l’avènement et la chute des empires bouleversent les paysages et les gens qui y vivent. Dans sa série « Transit Sites » en Arménie, et dans celle du chemin de fer reliant Médine à la Jordanie ou encore « Ploshchad Vosstaniïa – Place de l’Insurrection », c’est à l’architecture et au mouvement que l’artiste s’est intéressée, montrant comment l’environnement bâti et les infrastructures institutionnelles survivent souvent aux régimes qui ont décidé de leur construction. Enfin, dans ses séries « Opytnoe Pole » et « Chagan », sur les anciens sites d’essais nucléaires de l’ex-Union soviétique et les archives du blé à l’Institut Vavilov de Saint-Pétersbourg, elle met en lumière l’impact de l’homme sur la nature, les liens de cause à effet entre les contingences politiques et la destruction de l’environnement et des ressources naturelles, un thème qui semble plus que jamais actuel.
Une pratique centrée sur le temps, qui ne se préoccupe pas de documenter les séquelles ou de capturer le moment indexé mais s’intéresse au cycle et au déclin, ainsi qu’à l’interstice qui sépare un événement historique du prochain.
Une pratique liée à l’approche systématique axée sur les processus et à la rigueur formelle héritée de la pensée minimale et conceptuelle apparue dans les années 1960 et 1970.
L’exposition, dont la scénographie a été pensée par Ursula Schulz-Dornburg, présente plus de 250 de ses œuvres réalisées entre 1980 et 2012. Chaque corpus d’œuvres est présenté sous forme d’installation conçue spécialement pour l’espace de la MEP.
Shoair Mavlia, commissaire de l’exposition
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
La Maison européenne de la photographie présente une rétrospective de la photographe allemande Ursula Schulz-Dornburg, célèbre pour son approche systématique et sérielle, en étudiant la relation entre l’environnement bâti et le paysage.
Depuis 1970, Ursula Schulz-Dornburg se consacre à l’architecture et à l’environnement bâti des civilisations ou des peuples anciens. Elle utilise la photographie comme un outil pédagogique.
Confrontées à un contexte radicalement différent de celui des années 80, certaines images, comme celles des ravages de tests nucléaires au Kazakhstan, prennent aujourd’hui un sens nouveau, en écho aux problématiques écologiques et environnementales de ces dernières années. Au-delà d’être des images d’archives de destruction, les photographies des séries « Opytnoe Pole » et « Kronstadt » permettent aux générations futures d’avoir une prise de conscience sur des processus de destruction ravageurs.
Le devoir de mémoire est un thème persistant dans le travail de la photographe. En 1995, Ursula Schulz-Dornburg se rend en Russie pour photographier les semences de l’Institut Vavilov qui en réunit plus de 250 000 variétés. L’institut a eu de belles réussites scientifiques mais aussi un parcours jalonné d’événements tragiques. Pendant le siège de Leningrad, plusieurs botanistes préfèrent mourir de faim plutôt que de consommer les semences. Quant à son fondateur, Nikolai Vavilov, victime de la politique agricole lyssebnkiste, sera emprisonné, puis envoyé au goulag où il mourra de faim. Plusieurs photographies permettent de s’immerger dans l’institut et découvrir les archives des variétés de semences. La mise en scène de cette série est également très originale. Les photographies qui servent d’illustration et d’outil de conservation, s’accompagnent de boîtes métalliques renfermant l’épi de blé correspondant.
Ursula Schulz-Dornburg a toujours été attirée par le voyage qui devient alors un prétexte de sujet photographique. En 1998, elle suit la frontière entre la Géorgie et l’Azerbaïdjian côté géorgien, et photographie les sites troglodytes ponctuant cette chaîne de montagnes. Depuis les bombardements qu’elle a subi durant la seconde guerre mondiale, les grottes, dans lesquelles elle dut se réfugier avec sa famille, ont évidemment une signification particulière.
Pendant deux ans, entre 1991 et 1992, Ursula Schulz-Dornburg parcoure le chemin de Saint-Jacques de Compostelle et s’intéresse aux constructions du 10e siècle qui le jalonnent. Avec la série « Sonnenstand », elle réalise plusieurs images sous le même angle montrant comment la lumière et son rayon de soleil, pénètre à l’intérieur de l’édifice, rappelant que la Terre tourne autour de son axe.
Et puis, il y a cette très série originale « Transit Sites » réalisée en Arménie entre 1996 et 2011. Le pays dispose d’un réseau de bus interurbains très dense. Sur le parcours, se trouvent des arrêts de bus, comme perdus au milieu de nulle part. L’architecture est souvent très élaborée, sculpturale. Construits dans les années 1970 et 1980, ces équipements s’inscrivent dans l’âge d’or d’une époque évoquant le constructivisme soviétique symbole de créativité et d’idéologie. Bien que les épreuves du temps les ont beaucoup dégradé, les arrêts de bus sont encore en fonction et indispensables aux populations vivant sur un territoire très vaste.
E.P.