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Photo du rédacteurEric Poulhe

CAROLLE BÉNITAH ▪ BRODER L’INVISIBLE

GALERIE CLÉMENTINE DE LA FÉRONNIÈRE, PARIS

12 mai 2023 – 29 juillet 2023

Broder l’invisible est la première exposition de Carolle Bénitah à la galerie. À travers une large sélection de pièces, cette exposition adopte un point de vue éminemment intimiste, une notion centrale dans la démarche de l’artiste. Depuis les années 2000, Carolle Bénitah élabore sa pratique artistique autour du médium photographique, puisant sa matière première dans ses archives personnelles. Elle questionne son histoire individuelle et familiale dans une perpétuelle quête identitaire. Hautement cathartique, la pratique de cette dernière se fait l’écho d’une forte introspection mettant en question les notions de perte, de deuil et d’oubli.

Le rapport qu’entretient l’artiste à la photographie, tant matérielle que temporelle, s’exprime par des interventions directes sur le médium. C’est en brodant, dessinant ou encore en juxtaposant des feuilles d’or sur celui-ci que l’artiste insuffle à ses pièces une valeur sculpturale au fort pouvoir haptique. À la fois photographe et plasticienne, Carole Bénitah dépasse les frontières du médium photographique.

Les photographies sont les traces de notre existence autant que celles de nos relations aux autres. Le temps que passe Carole Bénitah à élaborer ses œuvres lui permet de prendre conscience de ce que ces images disent ou taisent d’elle-même. Il est question pour elle de se réapproprier son histoire afin de comprendre qui elle est à présent.


Galerie Clémentine La Féronnière

 

Sélection

 

Commentaire ♥♥♥♥♥


Carolle Bénitah est une photographe plasticienne née au Maroc à Casablanca.

Sa pratique artistique se place dans le champ de l’intime, la famille, le temps, le désir. Elle intervient sur le média photographique avec la broderie, l’écriture ou l’application de feuilles d’or. Carolle Bénitah interroge ainsi l’identité et la construction de soi : « J’ai commencé à pratiquer la photographie au début des années 2000 suite à des remises en cause personnelles très fortes. La dimension fragile de la vie s’est imposée à moi et la photographie a fonctionné comme une béquille existentielle. Face à une réalité difficile à appréhender, la photographie a agi comme un nouvel organe de sens. D’emblée, j’ai placé ma pratique dans le champ de l’intime. Aujourd’hui, mon travail débouche sur des sujets plus ouverts comme la famille, le désir, la perte, le deuil et l’enfermement et touchent à l’universel. »

L’exposition regroupe quatre séries représentatives de ce travail introspectif.

La série « Jamais je ne t'oublierai » (2018) a été réalisée à partir de photographies anonymes récupérées sur des brocantes témoignant d’une période de bonheur finie et oubliée. Carolle Bénitah se les approprie dans un album de famille imaginaire en appliquant des feuilles d’or qui masquent en tout ou partie les visages

La série « Photos souvenirs » (2009-2014), réalisée à partir d’archives personnelles, s’organise en trois périodes : l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte. L’usage de la broderie renvoie à une activité réservée aux femmes, symbole de vertu et d’attente, et font apparaitre des images, ce qu’elles disent ou taisent.

Dans « Ce qu’on ne peut pas dire » (2018), Carolle Bénitah extrait la bouche et un fragment de nez de ses photos d’identité en couleur. Par la répétition inlassable d’une phrase manuscrite, elle écrit ce qui ne peut pas être dit.

Dans « Ce qu’on ne peut pas voir » (2013), l’artiste recouvre son regard de formes cellulaires en rouge sur des photos d’identité en noir et blanc, occultant les yeux, et donc la capacité à se voir.


E.P.


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