ERIC BOUVET ET YAN MORVAN ▪ HEXAGONE
- Eric Poulhe
- 6 août 2020
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 juin 2023
GARE DE LYON, PARIS
25 juin 2020 – 1er septembre 2020

Faire le portrait des Français et le faire à la chambre 20x25, ce n’est pas rien. Éric Bouvet et Yan Morvan n’ont pas choisi au hasard le plus historique et le plus monumental des appareils photographiques. À l’heure des selfies et des images furtives, il est question ici de souffle épique, de posture olympienne, comme dans les portraits majestueux de la Renaissance. Il est question aussi de lien et de partage. Photographier à la chambre requiert de la patience et du savoir-faire. La pose du trépied, le déploiement du corps de l’appareil en soufflet, les calculs de lumière, les bascules et les décentrements génèrent un autre rapport au temps et aux personnes. Il est question encore de solennité. Les deux photographes n’ont effectué qu’une seule prise de vue par portrait. Un seul salto avant, pas de loupé. Chaque portrait est une promesse, un serment. Il est question enfin de postérité et de pérennité. Le plan film de la chambre 20x25 est grand, d’une précision infinie dans la retranscription des couleurs et des détails. Les négatifs seront encore lisibles dans 100 ans.
Voici donc pour le cahier des charges d’un projet qui s’est déroulé sur plus de deux ans, de la rupture politique que représente la campagne des présidentielles de mai 2017 au traumatisme que constitue la pandémie de Covid-19. 60 000 km ont été parcourus sur l’ensemble du territoire, hormis l’Outremer. Ce cahier des charges est important, car il dit tout d’un projet respectueux, ambitieux, qui laisse aux Français le soin de se présenter. De se représenter. Et de prendre la parole aussi, puisque les photographes ont recueilli un bouquet d’engagements, de tourments, de colères, de fiertés. Les visages sont pluriels, les voix sont chorales. Un socle et des fractures se font jour. Du roman national à la fresque multiculturelle. De l’histoire émancipatrice au champ de bataille idéologique.
La France, alors ? Est-ce un territoire, un héritage, une langue, un climat, une fiction ? Pour l’historien Michelet il y a deux siècles déjà, c’était une âme et une personne.
Natacha Wolinski
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
Programmée initialement aux Rencontres d’Arles qui ont été annulées du fait de la pandémie de Covid-19, le projet Hexagone a pu finalement être exposé à la gare de Lyon et celle d’Avignon TGV en collaboration avec SNCF Gares et Connexions.
Les photojournalistes Eric Bouvet et Yan Morvan ont parcouru l’hexagone durant deux ans, de 2018 à 2020, à la rencontre des Français : 80 portraits, 300 jours, 60 000 kilomètres parcourus. Ils ont interrogé les Français sur l’essence de leur appartenance au pays, avec une question précise : « Qu’est-ce qu’être Français ? ». Munis d’une chambre photographique 20x25, ils ont réalisé des images avec un piqué donnant beaucoup de relief aux personnages. Les tirages en grand format présentés sont d’une très grande qualité.
Chaque portrait, individuel ou collectif dans certains cas, raconte une histoire personnelle qui s’inscrit également dans un contexte politique ou social comme la crise des gilets jaunes ou l’épidémie de Covid-19. Derrière chaque image, on imagine aisément leur histoire et leurs ressentis. Certaines photographies sont d’ailleurs accompagnées d’une légende leur donnant la parole.
De chaque visage et de leur environnement se dégage ainsi une fresque de la France des deux dernières années qui, par une exposition gratuite dans un hall de gare, est rendue accessible à tous.
E.P.
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