FESTIVAL DU REGARD
CERGY-PONTOISE
14 octobre 2022 – 27 novembre 2022
Festive ou inquiète, solitaire ou fantastique, la nuit – thème aussi ancien que « la nuit des temps » ! – a toujours inspiré les artistes…
« Musique de Nuit » composée par Mozart, « Nuit étoilée » peinte par Van Gogh, « l’hymne de la nuit » écrite par Lamartine. Chez les photographes la nuit a d’abord été un défi. Un défi technique, l’étymologie du mot photographie « écrire avec la lumière » étant contraire à l’enregistrement de scènes obscures ou crépusculaires. Et pourtant… La nuit autorise toutes les libertés. Elle s’affranchit du réel pour faire entrer dans une dimension où les couleurs s’émancipent, la perspective s’aplanit et la ligne d’horizon disparaît, altérant notre perception. Les choses deviennent floues, les contours indistincts et dans les villes, les lumières artificielles viennent remplacer la lune et les étoiles, jusqu’à les faire disparaître… Dans l’imaginaire collectif, la nuit est perçue communément comme un autre monde. Le philosophe Michaël Foessel, auteur d’un ouvrage référence sur ce sujet, souligne : « consentir à la nuit c’est accepter de se soumettre aux expériences singulières qu’elle seule rend possibles. Bonne ou mauvaise, intime et sensible, elle ouvre un espace où l’on peut enfin, vivre sans témoin. »
Au Festival du Regard, nous avons donc envie de faire de la nuit, non pas simplement l’expression de la fin du jour, mais le début d’une autre expérience. Une expérience à laquelle nous vous convions en vous faisant déambuler à l’intérieur d’une galerie de boutiques abandonnées de la plus ancienne aile du fameux Centre Commercial des 3 Fontaines de Cergy. Un lieu singulier décrit par l’écrivaine Annie Ernaux dans « Regarde les lumières, mon amour » et repris dans son célèbre « Journal du dehors ». Traiter de la nuit dans un lieu dévoué à la consommation où les magasins brillent de mille feux pour attirer les passants, est un défi que nous n’avons pas hésité à relever… Car c’est notre rôle de mettre en lumière les travaux des photographes qui se sont emparés de ce sujet fascinant.
Des pionniers de la pose longue, Léon Gimpel ou Brassaï, aux incontournables oiseaux de nuit que sont Anders Petersen, Todd Hido ou Merry Alpern, en passant par des décrocheurs d’étoiles tels que Juliette Agnel et Thierry Cohen, ils ont tour à tour su utiliser le pouvoir de l’obscur, les lueurs de l’ombre, pour nous faire basculer dans une autre dimension qui se résume par notre titre en forme d’oxymore : Bonjour la Nuit !
Sylvie Hugues et Mathilde Terraube, directrices artistiques
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
20 photographes disent bonjour la nuit au festival du regard de Cergy-Pontoise du 14 octobre au 27 novembre 2022. En couleur ou en noir et blanc, la nuit est une véritable source d’inspiration.
Anders Petersen nous fait partager en 1967 la vie dissolue au Café Lehmitz dans le quartier rouge de Hambourg.
Quel contraste entre les images de pavillons de banlieue dans un décor de Todd Hido avec les décorations lumineuses des fêtes de fin d’année captées par Laure Vasconi sur des maisons californiennes de Los Angeles.
Comment ne pas être intrigué par le photographe aveugle Evgen Bavcar qui présente, sans les avoir vus, des clichés envoûtants et étranges.
Vestiges du passé enfouis dans les sables pour Juliette Agnel au Soudan, ou mégalopoles rongées par la pollution lumineuse sous un ciel constellé d’étoiles réinventées par Thierry, les villes captivent. Comme René Burri qui se trouvait à New York en novembre 1965, au moment où une coupure d’électricité plonge la ville qui ne dort jamais dans le noir total, ou Brassaï qui a immortalisé Paris la nuit dans les années 1930 avec des clichés qui l’ont rendu célèbre.
Les villes la nuit offrent également des moments de vie en rappelant que l’éclairage est précieux. L’arrivée de la fée électricité obtenue par l’installation de panneaux solaires, est au centre des images de Rubén Salgado Escudero. Le photographe cambodgien Philong Sovan, quant à lui, réalise des portraits des habitants de Phnom Penh en servant, au fil de ses déambulations nocturnes, du phare de sa motocyclette comme projecteur.
Et puis la nuit, c’est aussi le territoire des interdits. Cél Françoise Évenou met en lumière les travailleuses du plaisir dans le Bois de Boulogne à travers sa série « Reinas del Bosque ». Dans les années 1990, Merry Alpern joue les voyeurs à travers une fenêtre donnant sur une arrière-cour, en photographiant les filles des peep-shows et leurs clients du quartier de Wall Street à Manhattan. Tout comme le photographe japonais récemment disparu Kohei Yoshiyuki qui a fait du voyeurisme sa marque de fabrique en volant des images de couples faisant l’amour dans un parc de Shinjuku à Tokyo.
La totalité de l’exposition s’est installée dans une aile abandonnée du centre commercial des Trois Fontaines propice à la découverte des images de scènes nocturnes. La carte blanche donnée à Ronan Guillou est, elle, exposée en extérieur, sur le chemin entre la gare et l’entrée du centre commercial. Il nous dévoile les coulisses à l’Aren’Ice des répétitions du spectacle Carmen Street portée par le trio Jean-Philippe Delavault à la mise en scène, Laurence Pérez à la danse et Benoît Girault à la musique.
E.P.
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