FRANK HORVAT ▪ PARIS ANNÉES 1950
- Eric Poulhe
- 23 oct. 2020
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 juin 2023
MAISON DE LA PHOTOGRAPHIE ROBERT DOISNEAU, GENTILLY
14 octobre 2020 – 10 janvier 2021

Au début des années 1950, Frank Horvat est alors un jeune photographe qui navigue dans les différentes sphères du métier. Tour à tour reporter, illustrateur et bientôt photographe de mode reconnu, il refuse dès cette époque de choisir, de se limiter à une spécialité ou de s’enfermer dans un genre. C’est donc avec un certain goût pour l’expérience et une curiosité aiguisée qu’il déambule dans Paris, la ville où il a choisi de s’installer. Cette exposition présente ainsi deux séries réalisées durant la même décennie avec la capitale pour toile de fond ou pour sujet et qui révèle la large palette expressive maîtrisée par le photographe dès ses débuts.
Le premier ensemble d’images, qui pourrait s’apparenter à une forme documentaire, montre un Paris de nuit, fait de night-clubs et de cabarets fréquentés par les touristes étrangers en quête de strip-tease à la française. En réalisant ses premières prises de vues, Frank Horvat ne souhaite pas en faire le thème d’un travail au long cours mais répond simplement à la commande d’un magazine américain. S’il photographie le spectacle et le public du Sphinx à Pigalle, son culot l’introduit rapidement derrière le rideau où il rejoint les danseuses dans leurs loges. Ces instantanés, pourtant réalisés dans une certaine hâte, nous plongent dans une promiscuité intime où les corps dénudés se laissent approcher pour un instant de pose et où les regards complices croisent volontiers ceux du jeune photographe. Quelques années plus tard, cette série ainsi que d’autres clichés (pris au Crazy Horse notamment) font l’objet d’une publication intitulée J’aime le Strip-Tease.
La seconde série d’images exposée ici montre davantage un Paris au grand jour où s’affichent la physionomie, le dessin et même le « graphisme » de la ville ainsi que les mouvements qui l’animent. Frank Horvat utilise un téléobjectif pour réaliser certains de ses clichés qui, à l’époque, ne font pas non plus l’objet d’un thème spécifique. De ce travail résulte des séquences étonnantes, riches de surprises formelles voire abstraites, où les plans impitoyablement martelés en aplats affirment les lignes, les contours et les matières des lieux ou des visages. À travers cet ensemble, cette recherche esthétique libre, Frank Horvat dévoile sa vision de Paris faite à la fois d’individus, anonymes ou célèbres, de foules, de points de vue et d’ambiances insolites mais aussi de pauses et d’accélérations, de silences et d’effervescences.
Michaël Houlette
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
L’exposition de la maison de la photographie Robert Doisneau consacrée à Frank Horvat dans le Paris des années 1950 sera la dernière du vivant du photographe qui est décédé à 92 ans le 21 octobre dernier à Boulogne-Billancourt.
Frank Horvat s’est fait connaître dans les années 1950 pour ses photographies de mode. Sa rencontre en 1950 avec Henri Cartier-Bresson lui fait entreprendre un voyage de deux ans en Asie qui l’amène sur le champ du photojournalisme.
L’exposition propose deux séries réalisées dans la capitale où il habite. La première fait figure de reportage dans le monde de la nuit à Pigalle et la seconde est une sorte d’étude photographique de la rue et de ceux qui l’occupent.
À Pigalle, il n’est pas aisé d’avoir l’accord des portiers pour entrer dans les boîtes de strip-tease. C’est finalement en soudoyant le portier du Sphinx, avec un billet de cinq mille francs de l’époque, qu’il réussit à entrer dans le sanctuaire des strip-teaseuses pour les photographier en coulisses. Les filles l’accueillent plutôt bien et acceptent de se laisser photographier. Il s’intéresse plus particulièrement à l’une d’entre elles, Yvette, avec qui il installe une certaine complicité. Il la retrouvera quelques années plus tard au Crazy Horse sous le nom de Lili Niagara. Quand il veut revenir le lendemain soir pour compléter son reportage, l’accès lui est refusé. Il devra donc se satisfaire d’une seule séance. Heureusement, les photos d’un soir plaisent à un magazine de New York et peu après à Vogue qui en fait une double page. Un éditeur suisse publie un livre en élargissant le sujet à d’autres cabarets pratiquant le strip-tease. Sa carrière est lancée.
Dans la seconde série Frank Horvat s’intéresse aux différentes perspectives que propose la capitale. Ses prises de vue sont réalisées avec un téléobjectif de 400 mm qu’il a adapté sur un réflex 24x36 de manière à maîtriser le déclenchement sans bouger. Il travaillait également avec un film très sensible permettant d’utiliser une vitesse inférieure au centième. Certains clichés ont un rendu très intéressant comme ce policier à la place de la Concorde qui est bien net au milieu d’une marée de voitures en mouvement qui sont floues. Il en est de même pour cette image de la gare Saint-Lazare, l’affiche de l’exposition. Les personnages en mouvement sont flous et donnent l’impression de créer un fluide qui enrobe les personnages statiques qui, eux, sont bien nets.
Frank Horvat était certainement l’un des derniers grands photographes de rue tels que ses contemporains Willy Ronis, Henri Cartier-Bresson ou Robert Dosineau. L’exposition à la Maison Doisneau est l’occasion de se replonger dans son univers.
E.P.
La vie parisienne nocturne aussi bien que diurne est parfaitement décrite par de magnifiques photos