HARRY GRUYAERT ▪ LA PART DES CHOSES
- Eric Poulhe
- 20 juil. 2023
- 3 min de lecture
LE BAL, PARIS
15 juin 2023 – 24 septembre 2023

Le BAL présente l’œuvre du photographe belge Harry Gruyaert, pionnier de la photographie couleur en Europe, qui s’inscrit dans la lignée des grands coloristes américains des années 1970. L’exposition du BAL présente pour la première fois une large sélection de tirages d’époque Cibachrome, dessinant un parcours inédit dans l’œuvre de cette grande figure de la photographie contemporaine.
Photographe né à Anvers en 1941, Harry Gruyaert est un des pionniers de la photographie couleur, au même titre que les grands américains qu’il a très tôt vus et aimés, Joel Meyerowitz, William Eggleston ou Stephen Shore. Loin de sa Belgique natale trop étriquée, le New York du début des années 1970 l’expose au Pop Art et « à regarder autrement la banalité, à accepter une sorte de laideur du monde et à en faire quelque chose ». Ses amitiés avec la nouvelle scène new-yorkaise (Gordon Matta-Clark, Richard Nonas) confortent ce que Le Désert rouge d’Antonioni, « vu mille fois », avait déjà distillé en lui : le besoin d’arpenter le monde, de s’y jeter avidement, non pour le désigner ou nous en informer mais pour le sculpter, le modeler. Transcrire sa perception des choses et non les choses elles-mêmes. Se faire voyant, pas témoin.
Harry Gruyaert a dit cette lutte physique, ce corps à corps avec les choses et les êtres : « Je me jette dans les choses pour éprouver ce mystère, cette alchimie : les choses m’attirent et j’attire les choses ». Dans la bande passante de la vie, alors que tout se dérobe et échappe et pour que « tout tombe en place », il faut être à la fois plus là et moins là, s’oublier soi-même pour saisir la matière, la texture, tout ce qui fait l’ici et le maintenant ; se soumettre, tout en en cultivant la prescience, à un ordonnancement instinctif des formes, couleurs, symboles, lumières, motifs.
Alain Bergala dans Correspondance new-yorkaise distingue deux types de photographes : celui qui croit en la réalité et fait de la photographie un art de la présence et celui qui vit le réel comme impossible et ne fait que fixer l’absence. À l’aune de cette distinction, Harry Gruyaert serait une anomalie, un photographe dont la présence viscérale au monde vise avant tout à en saisir le caractère fugitif, intangible. Des trajectoires isolées, des espaces disjoints, des corps en périphérie, tout concourt dans ses images à rendre l’absurdité du monde, le collage surréaliste de la vie et ses morceaux détachés.
Photographier peut donc aussi être cela : communier avec un état de solitude et dire un mensonge plus vrai que la vérité.
Diane Dufour
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
Le BAL présente l’exposition « La part des choses » du photographe belge Harry Gruyaert, un des pionniers de la photographie en couleur en Europe, au même titre que les grands américains qu’il a très tôt vus et aimés, Joel Meyerowitz ou William Eggleston.
L’exposition réunit pour la première fois 80 tirages d’époque réalisés de 1974 à 1996 selon le procédé Cibachrome, inventé en 1933 par un chimiste hongrois, Bela Gaspar, et commercialisé à partir de 1963. Ce procédé se distingue par la netteté de l’image, l’intensité des couleurs et la saturation des aplats.
Quand on regarde les photos d’Harry Gruyaert, on a l’impression, apparemment, qu’il ne se passe pas grand-chose. Mais c’est justement ça qui nous attire : des paysages neutres, des espaces presque vides, le quotidien qu’on ne remarque plus, des êtres humains présents mais comme absents…
Quoiqu’il en soit, c’est l’usage de la couleur qui nous frappe et qui en fait la marque de fabrique d’Harry Gruyaert qui en parle ainsi : « La couleur, c’est un moyen de sculpter ce que je vois. La couleur n’illustre pas un sujet ou la scène que je photographie, c’est une valeur en soi. C’est même l’émotion de la photographie. »
En vous rendant au BAL, un agréable espace d’exposition et de restauration, dans une cour pavée du XIIIe arrondissement en face d’un jardin public, vous découvrirez le parcours inédit d’un photographe qui nous transporte d’un continent à l’autre : la Belgique et la France des années 1980, la Russie d’avant la chute du socialisme, le Maroc des souks et des rues marchandes, ou les États-Unis en mode « Road Movie ».
E.P.
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